Michaël Milon, 20 ans déjà
Le 13 mars 2002, il y a tout juste 20 ans, un immense champion nous quittait à l’âge de 30 ans. Triple champion du monde de Kata et triple vainqueur de la Coupe du monde, il a laissé bien plus qu’un magnifique palmarès. Michaël Milon, c’était un sourire éclatant, une gentillesse infinie, une modestie sans faille. Et un travailleur acharné qui ne laissait rien au hasard, surtout pas le détail qui fait la différence.
L’enfant de Loche a révolutionné le Kata de compétition dans les années 90. Aujourd’hui encore, il est copié, imité, mais jamais égalé. Il reste à tout jamais l’incarnation de Unsu, son Kata fétiche (voir la vidéo de son 2e titre mondial en 1996).
Il n’exécutait pas un Kata. Il était le Kata. D’ange, il se transformait en ogre dès qu’il pénétrait le tatami. Le voir en action était un moment particulier. Le public ne s’y trompait pas. Quand il arrivait, le silence se faisait.
Pour lui rendre hommage, nous vous offrons le témoignage des 3 personnes qui l’ont forgé, son père Michel ; Alain Auclert, son entraîneur à Châteauroux, dans la Ligue TBO et en équipe nationale ; Serge Chouraqui, son entraîneur au SIK Paris et en équipe de France.
Michel Milon : « Il se remettait constamment en question »
« Ce qui m’est resté de Michaël, c’est l’image de l’homme. L’humilité, le respect des autres, la considération des valeurs essentielles des arts martiaux : respect, humilité. Ses titres, cela ne voulait rien dire.
Ce qui m’a le plus marqué chez lui, c’est ça, son humilité et sa simplicité. Il ne s’est jamais glorifié d’aucun titre. Il se remettait constamment en question. Un exemple. En 1989, dans l’avion du retour après son 1er titre de champion d’Europe cadet (il avait 17 ans), il me dit : « papa, dès que l’on rentre, on va aller s’entraîner ». Je lui dis de prendre un peu de recul, qu’il est champion d’Europe. Il me répond : « Non, non, non, mon titre de champion d’Europe, si je ne gagne pas les championnats de France, il ne vaut rien du tout ».
Il a commencé le Karaté à l’âge de 8 ans. Un de mes copains était prof à Amboise. On faisait l’aller-retour 1 fois par semaine. Mais il s’entraînait tous les jours, pas un entraînement complet, mais il répétait des mouvements, faisait des étirements à la maison, ou au bord de la piscine. C’était pratiquement inné.
Sa grande force, c’était la vitesse, en dehors de la technique et de la stabilité, qu’il avait grâce à la muscu ».
Alain Auclert : « Il n’y en avait qu’un pour aller aussi vite »
« A 8 ans, son père l’amenait à tous les stages de ligue. Il n’en manquait pas un. Michaël picorait partout où il allait et cela rentrait comme dans du beurre. Avec lui, il n’y avait pas besoin de répéter. C’est la différence entre lui et les autres. Tu lui faisais une remarque. La fois d’après, il avait corrigé et tu pouvais passer à autre chose, jusqu’au plus petit détail. Ca, je ne l’ai jamais vu chez aucun autre.
A 13-14 ans, il venait s’entraîner à Châteauroux (70 km de Loches). Il ne ratait rien et les km ne lui faisaient pas peur. C’était un gros bosseur. Il avait du monde derrière lui. C’était une équipe. C’était Michaël, son père, Serge (Chouraqui). Chacun avec sa spécialité. Moi, je le pinaillais sur sa technique, Serge sur le rythme, son père sur la muscu. On était complémentaire.
Michaël a influencé le Karaté à l’époque. Au niveau des qualités physiques, il a amené quelque chose que les autres n’avaient pas, c’était la vitesse. Il avait une super technique et il était capable, en allant vite, de ne pas la casser. Sa technique était toujours impeccable.
Aujourd’hui encore, tout le monde le copie mais il n’y en a pas un qui est capable de faire aussi bien en allant aussi vite. Il n’y en avait qu’un pour pouvoir aller aussi vite. Sa technique était pinaillée, il allait jusqu’aux plus petits détails, depuis les appuis au sol. Toute la forme était impeccable ».
Serge Chouraqui : « Il manque terriblement, en tant que karatéka et en tant qu’un homme »
« Pour moi, c’est lui qui a révolutionné le Kata de compétition. Il avait soulevé quelque chose qui existait beaucoup moins à l’époque : le rythme, l’intensité, l’émotion. On dit souvent que l’émotion, cela ne se voit pas. Non seulement cela se voit mais cela se ressent.
Il avait cette particularité d’électriser l’ensemble des acteurs : les compétiteurs, les arbitres, le public. Tout le monde était subjugué par ce qu’il montrait. Quand on parle d’un combat imaginaire contre plusieurs adversaires, avec lui, le combat n’était pas imaginaire. Il était absolument réel et sincère. J’ai la chair de poule à en parler…
Ce qu’il présentait était nouveau. On n’avait jamais vu ça, techniquement, physiquement, dans intensité. Il y avait une combativité et une technique exacerbées. C’était extraordinaire. Même les Japonais le regardaient. Quand il passait, il faisait peur à tout le monde.
Quand il était sur le tapis, il se transformait. C’était une pile. On avait l’impression que toutes les contraintes, toutes les idées noires disparaissaient. Il savait prendre possession du tapis, du moment et de l’instant.
Selon moi, il n’a pas été égalé car c’était quelqu’un d’exception qui avait appréhendé le Karaté avec un tel sérieux, une telle volonté. Pour l’instant, je n’ai pas vu mieux.
Il faut dire que c’était des heures et des heures d’entraînement. En général, c’est l’entraîneur qui épuise l’entraîné. Mais lui, il épuisait l’entraîneur. Des sauts, il pouvait en faire 300 000. C’était une machine. Il cherchait tellement la perfection.
Il manque terriblement, en tant que karatéka et en tant qu’un homme. Il était excessivement attachant. Il le rendait bien. Il était excessivement reconnaissant, par son sourire, par son amitié, sa fraternité. C’était toujours un grand, grand plaisir de travailler avec lui. ».
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