Loïc Denis, les arts martiaux chinois dans la peau

Passé par le karaté dans ses jeunes années, Loic Denis s’est ensuite tourné tout naturellement vers les arts martiaux chinois. Professeur au club des Arts Martiaux du Golfe, il nous partage son itinéraire martial et nous explique les particularités du Bagua Zhang, le style qui lui est cher.

 

Loic, pouvez-vous nous présenter votre parcours martial ?J’ai commencé par le karaté shotokan à l’âge 11 ans dans un club de Perros-Guirec. Je me suis arrêté à mes 21 ans en ayant eu une coupure pendant l’adolescence. Grâce à cette expérience, j’ai eu une base martiale intéressante. Je dis souvent à mes élèves que le karaté forge un esprit, permet de rester courageux face aux attaques. Avec le karaté, nous sommes à un certain niveau dans le « Sen No Sen », ce qui permet de forger le corps et l’esprit en développant sa lecture du partenaire, la distance, son timing. Depuis le début, je recherchais cependant très clairement le kung-fu mais il n’y avait pas d’offre locale donc je me suis lancé dans le karaté. 

En 2002, je suis tombé sur un article avec Hervé Marigliano, ancien rédacteur en chef adjoint de Karaté Bushido. J’ai suivi son parcours car il était à Taiwan et nous suivions ses aventures de l’intérieur via ses différents reportages. Il avait programmé un stage à Saint-Brieuc. De là a commencé ma pratique du wushu et notamment de l’art martial du Bagua Zhang qui est un art martial interne. J’ai suivi une formation intensive avec Hervé de 2003 à 2007 et j’ai pu devenir instructeur diplômé de l’école traditionnelle dirigée par le Maître Luo De XIu. 

J’enseigne depuis 2007 en tant qu’assistant d’Hervé sur Rennes et dans un second temps j’ai pu ouvrir un cours dans l’école de Bernard Sok sur Paris car j’y vivais pour raison professionnelle. Revenant en Bretagne depuis 2014, j’ai pris contact avec Pascal Castiglione et tout a bien fonctionné tout de suite. J’aime bien l’approche des karatékas car j’en suis un ancien. J’ai ce côté simple dans les relations. J’enseigne depuis 4/5 ans maintenant à Plougoumelen dans le club Arts Martiaux du Golfe (AMG) à raison de deux cours par semaine. 

 

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Parlez-nous du Bagua Zhang, votre discipline. Avec cet art, nous sommes sur une dimension pied-poing-projection-torsion et on privilégie le 45° dans toutes nos attaques mais aussi dans la réception de la force. Sur certains aspects, cette pratique rappelle l’aikido. C’est un art qui utilise le cercle et la spirale pour venir déstructurer le partenaire et placer une technique linéaire, ou des Jings (forces) différents, la force vrillée et spiralée étant récurrente. Le Bagua est un art martial qui requiert de travailler des aspects internes et externes. 

Au niveau interne, il permet de développer la conscience et le Qi. Sur un plan externe, cela implique de travailler la structure physique, le tempo et la fonction. L’accent est mis sur le calme à l’intérieur du mouvement. Nous avons différentes facettes de l’art dans cette pratique, avec une partie combat mais aussi tout un travail de renforcement tendino-musculaire très intéressant énergétiquement. Le Bagua Zhang est une boxe qui va travailler dans la circularité et sur la notion de production en utilisant les meilleurs angles possibles. L’un des principes est d’écouter la force, comprendre la force et transformer la force. 

 

Expliquez-nous la particularité du Bagua par rapport aux autres arts martiaux chinois. Le kung-fu c’est le terme générique qui signifie littéralement : « s’accomplir par le travail ». Le kung-fu englobe beaucoup de techniques martiales et énergétiques qui se traduisent aussi par « travailler son art ». J’aime à dire qu’ « en France, nous avons une multitude de fromages et en Chine ils ont une multitude de styles en kung-fu ». Le Qi-Gong a plusieurs versants, les plus connus étant le Yin et le Yang. Le premier signifie « très doux » et alors que le Yang reflète plus l’intention martiale. J’essaie de préparer les personnes à former le corps et l’esprit dans cette intention martiale. J’utilise le Yin pour relaxer le corps, le relâcher. Nous avons par exemple de bons échanges avec le professeur Franck Larchais qui enseigne le Qi-Gong de santé au sein de notre club . Nous sommes complémentaires dans nos enseignements. Nous mettons des ponts communicants entre ses élèves et les miens pour que chacun puisse s’enrichir. Il n’y a aucune obligation dans ces échanges mais cela se fait naturellement. 
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Quel est le public qui pratique dans vos cours ? Au niveau des cours, le public est assez varié. J’ai par exemple un professeur de Qi-Gong qui a des principes corporels installés et j’essaie de l’alimenter sur d’autres facettes, un autre regard … certains à l’inverse débutent totalement et sont dans une approche liée au bien-être. Nous enseignons aux élèves à partir de 15 ans dans cette discipline mais on s’adapte à la demande et nous sommes ouverts. Quelques anciens viennent aussi au cours. Avant la COVID, nous étions à plus d’une vingtaine de pratiquants mais la crise sanitaire a stoppé cet élan … y compris sur l’aspect visio. En Bagua, on essaye de travailler sur soi mais aussi en interaction avec son environnement. La nature par exemple est assez propice à cette pratique … La relation à l’autre est importante et lorsque l’on est tout seul, comme actuellement, il faut beaucoup visualiser ce qui n’est pas forcément évident pour tout à chacun. 

 

Comment justement enseigner en cette période où le contact est proscrit ? Certaines personnes sont en recherche clairement de l’aspect martial mais ne sont pas forcement intéressées par l’aspect énergétique. A contrario, il y a de plus en plus de personnes qui sont sensibles à l’aspect bien-être, notamment avec cette période particulière et anxiogène que nous traversons. C’est dans ce sens que j’ai fait des cours en visio avec mes élèves pour m’adapter à leur demande et répondre à leurs besoins avec l’idée de toujours progresser. Après je suis clair, je leur ai dit que je restais sur une posture d’enseignant d’arts martiaux : je fais 50% du chemin et eux doivent en faire 50% également. On sent, et c’est normal car c’est le reflet de notre société, que les gens utilisent cela comme une pratique de bien-être mais qu’ils ne vont pas forcément travailler ensuite seul chez eux. Ce n’est évident pour personne. On a hâte de pouvoir travailler dehors quand il fera meilleur. On a eu l’occasion de le faire récemment à Vannes sous un kiosque à musique, en gardant les masques … et ça a fait le plus grand bien. 

 

Et l’avenir, comment le voyez-vous ? Je suis dans une démarche assez fédérale en essayant de donner un coup de main lors des événements, mais aussi au niveau de l’arbitrage. Grâce à toutes ces rencontres j’apprends beaucoup et j’essaie aussi de transmettre à mon échelle avec le Bagua Zhang. Mon désir sur ces prochaines années est d’enseigner, de partager ce que j’ai appris en fonction de la situation sanitaire car on devra s’adapter mais aussi par rapport à ma propre évolution professionnelle. Le plaisir et l’essence pour moi, c’est de pratiquer quoi qu’il arrive.