Charlène Odin, le karaté pour s’épanouir !

Alors qu’elle devait défendre au Printemps dernier sa couronne européenne à Bakou (Azerbaïdjan), Charlène Odin (Guipavas – Finistère) a vu son année 2020 chamboulée comme de nombreux sportifs.

Championne d’Europe de Para Karaté en 2019 à Madrid, Charlène souffre depuis l’âge de six mois du syndrome de West (une forme rare d’épilepsie). Céline Odin, sa grande soeur, qui pratique également le karaté depuis l’âge de 6 ans, nous raconte le quotidien de Charlène depuis le début de la crise sanitaire en début d’année mais aussi l’apport bénéfique que la discipline a sur l’évolution de sa soeur dans la vie de tous les jours.


Interview

Charlène, Céline, comment allez-vous ? Nous allons bien. On essaye de rester le maximum positif pendant cette période particulière.

Céline, comment se déroule ce nouveau confinement ? Dans quel état d’esprit êtes-vous avec Charlène ? Ce confinement est différent du premier. En effet, Charlène continue de travailler à l’ESATEO et les rendez-vous médicaux hebdomadaires sont maintenus. En parallèle, on continue les entraînements de karaté, le renforcement musculaire et des exercices cardio à la maison. Durant le week-end, on fait différentes activités pour garder Charlène active et pour qu’elle soit stimulée. Par exemple, on s’est mis à faire de la pâtisserie. C’est un bon exercice pour travailler la dextérité des doigts tout en s’amusant. On reste sur un rythme assez soutenu pour ne pas casser la routine de Charlène et la perturber.

Cette année, il devait y avoir les championnats d’Europe et du Monde, comment vous vivez ces reports ? Le report des Championnats d’Europe a été très difficile à gérer. On l’a su deux/trois semaines avant le départ. Charlène était déjà dans un esprit « compétition » et on avait déjà fait la préparation au voyage, à l’arrivée dans un nouveau pays et à l’appréhension de la compétition. Quand l’annonce du report a été annoncée, la première chose que je me suis dit c’est : « Comment l’annoncer à Charlène sans la perturber ». On a essayé de faire au mieux, mais c’était très compliqué. On a senti Charlène tomber dans un gouffre de déception. Elle s’était déjà imaginée revoir toute l’Équipe Para Karaté ainsi que des personnes de l’Équipe de France qu’on a connu lors des championnats d’Europe 2019 et du Monde 2018. Puis, il y a eu en même temps l’annonce du confinement : Plus de travail, plus de rendez-vous médicaux, on reste à la maison. À ce moment-là, il y a eu un effet boule de neige avec la déception des Championnats d’Europe. Charlène avait perdu ses repères et était très perturbée. On a dû instaurer rapidement une nouvelle routine avec Charlène pour la rassurer et retrouver des repères. On a mis en place des rdv en visio avec une « hypnotiseuse » pour permettre à Charlène d’appréhender cette période. Charlène avait la phobie des masques donc c’était très compliqué à gérer également. L’annonce du report des Championnats du Monde a été dure, mais on avait préparé mentalement Charlène à cette éventualité en voyant la situation sanitaire qui ne s’améliorait pas.

Charlène et Céline continuent de s'entrainer à la maison.

Charlène et Céline continuent de s’entrainer à la maison.

Charlène parvient-elle à s’entrainer tout de même ? À évoluer dans sa pratique ? On s’entrainait déjà à la maison quand il n’y avait pas de séance de karaté au club, car  Charlène a besoin de répétition pour retenir. Mais avec le confinement on a poussé les meubles du salon pour avoir plus de place, on s’est créé un dojo dans le salon.

Avez-vous profité du confinement pour travailler sur d’autres axes ? D’autres kata peut-être ? On ne pouvait pas travailler sur d’autre kata, car ça demande énormément de temps à Charlène pour en apprendre un. Mais on a travaillé sur d’autres axes où Charlène avait plus de difficulté et également d’une différente manière. J’étais en relation avec son entraîneur du club, Sylvie BEAUTOUR mais aussi Ahmed ZEMOURI pour rester sur une bonne préparation pour les futures échéances.

D’une manière générale, peux-tu nous parler de ce qu’apporte le karaté à Charlène ? Le karaté est très bénéfique pour Charlène que ce soit au niveau médical que social. En effet, depuis que Charlène a débuté le karaté, on a vu d’importantes évolutions (par exemple au niveau de la motricité, de la mémorisation, de la souplesse, de la coordination, du repère dans l’espace, de la gestion d’équilibre, etc). Par ailleurs, Charlène a développé plus d’assurance grâce aux compétitions qui lui ont permis d’acquérir de nouvelle compétence à l’ESAT. Charlène s’est aussi ouverte aux autres, avant elle se sentait inférieure du fait de son handicap. Le karaté l’aide à s’épanouir.

Qu’est-ce que cela demande chez elle, en termes de ressources, d’effectuer un kata en entier ? Effectuer un kata en entier nécessite un gros travail pour Charlène. C’est un effort de mémorisation, d’endurance, de gestion de l’équilibre, de repère dans l’espace et de concentration. En effet, pour une personne « valide » faire un kata demande déjà de l’énergie mais pour les personnes en situation d’handicap c’est encore plus complexe. Je prends l’exemple de la gestion de l’équilibre car j’ai eu plusieurs fois la question en compétition : Pourquoi Charlène tremble ? Pourquoi Charlène a un déséquilibre quand elle marche ? On fait beaucoup d’exercices d’ancrage avec Charlène pour lui faire comprendre l’équilibre, comment ne pas tomber lors de son kata, avant le passage en compétition on  refait l’exercice pour qu’elle se souvienne des sensations. Car pour elle, l’équilibre est une notion abstraite. Dans les katas, il y a des pivots, rotations, sauts : pour une personne valide, on comprend il faut être gainé, avoir des appuis etc… Mais pour Charlène tout cela est abstrait … il faut donc lui montrer les sensations pour qu’elle comprenne.

De plus, devant du public comme aux Europe ou aux Monde, comment gérez vous ce stress qui s’ajoute ? C’est une longue préparation en amont. On lui parle beaucoup de la façon dont va se dérouler la compétition, on lui montre des vidéos d’autres athlètes pour qu’elle puisse voir à quoi ça ressemble, on lui montre le lieu de la compétition pour qu’elle sache où elle va,  pour que ce ne soit pas l’inconnu. On doit penser à chaque détail que ce soit du voyage, de la prise de ses médicaments, du déroulement de la compétition pour qu’il n’y ai pas de surprise qui puisse la perturber. Charlène étant suivi par un psychologue et une hypnotiseuse, on leur avait demandé également de l’aide pour la préparer.

Quel est votre plus beau moment à toutes les deux en karaté ? Charlène répond sans hésiter sa finale aux Championnats d’Europe : remporter la médaille d’or, entendre le public crier son nom et réaliser son rêve. Pour ma part, je répondrais aussi la finale des Championnats d’Europe : beaucoup d’émotions ! Voir Charlène réaliser une superbe prestation, remporter le titre. On se rend compte du chemin qu’elle a parcouru, et ce qu’elle est encore capable de réaliser.  La voir heureuse avec des étoiles dans yeux : je crois que c’est le moment qui restera graver dans mon esprit. >> Revoir la joie de Charlène et Céline après la victoire à l’Euro 2019. 

Qu’est ce que l’on peut vous souhaiter pour 2021 ? Une bonne santé car c’est le principal. Sportivement, que Charlène continue d’évoluer mais aussi une future sélection dans l’équipe de France Para Karaté pour les compétitions de 2021.

Suivez Charlène sur son compte Instagram

Céline, la soeur de Charlène, nous fait vivre le quotidien de Charlène à travers un compte Instagram >> @charlene.odn

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