Lettre ouverte à Tony Estanguet pour le karaté à Paris 2024
13 août 2021
Le dimanche 8 août 2021, aux alentours de 20h30 à Tokyo, ils sont 13 karatékas, désignés porte-drapeaux par leur délégation, à faire leur entrée dans le stade national de Tokyo. Les tribunes sont vides, ou presque, mais devant des millions de téléspectateurs, ces 8 femmes et 5 hommes marchent et brandissent fièrement le drapeau de leur pays, parmi eux, le Français Steven Da Costa, champion olympique.
Le Japon, l’Espagne, la Serbie, le Vénézuela, la Géorgie, l’Egypte, Hong Kong, la Jordanie, l’Équipe Olympique des Réfugiés, la Suisse, le Pérou, le Maroc, et la France, tous ont fait le choix de mettre en lumière ces 13 karatékas. Une récompense, un soutien, un appel du pied, un symbole.
S’ils étaient seulement 82 qualifiés sur les tatamis de Tokyo, ils étaient des millions devant leurs écrans, karatékas ou non, à vibrer durant 3 jours. 3 jours de compétition, de combativité, de dévotion et d’excellence, 3 jours d’amitié, de solidarité, de partage, de courage et de spectacle, 3 jours pour l’histoire.
L’histoire ? Steven Da Costa a écrit la sienne et celle du karaté français le 5 août 2021. A Tokyo, il devient le premier Français champion olympique de karaté et décroche l’une des dix médailles d’or françaises. Un parcours remarquable, une finale mémorable, et une histoire à laquelle il manque déjà un chapitre.
A Tokyo, pour sa première apparition au programme des Jeux Olympiques, le karaté a montré son plus beau visage. A Paris, il n’en n’aura pas le droit, et ce malgré tout ce qu’il peut offrir.
Le karaté est universel et rassembleur. 36 nations différentes étaient représentées à Tokyo (accompagnées de deux réfugiés politiques) et 131 aux derniers Championnats du Monde de Madrid. Tous ces pays partagent et respectent les mêmes valeurs propres à cette discipline. Mais en 2024, ils seront privés d’une chance supplémentaire de les faire briller.
Le karaté est jeune et populaire. Tandis que dans le monde, des millions d’enfants pratiquent le karaté, en France où 57% des licenciés ont moins de 18 ans, 250 000 pratiquants se regroupent dans 5000 clubs. Un tissu dense qui s’étend bien au-delà des tatamis, jusqu’aux réseaux sociaux, où des milliers de fans de tout âge célèbrent eux aussi le karaté. Mais en 2024, aucun d’entre eux ne s’émerveillera devant les exploits de leurs idoles.
Le karaté est beau et spectaculaire. Les combats mêlent l’esthétisme à l’engagement, les kata l’intensité à la technique. A Tokyo, le karaté a su séduire et fasciner au-delà des adeptes de la discipline. Mais en 2024, comment leur expliquer que le karaté ne sera pas de la fête ?
Le karaté français est historique et médaillé. Les Championnats du Monde de Paris 2012, les Championnats d’Europe de Montpellier 2016, le public français a vibré des années durant au rythme des compétitions organisées sur son sol. Il a soutenu et porté ses athlètes. A Tokyo, l’un d’eux, Steven Da Costa, est devenu champion olympique et compte parmi les Français qui gagnent. Mais en 2024, il ne défendra pas son titre, il ne décrochera pas de médaille olympique, ni lui ni les 8 karatékas français qualifiés.
En 2021 à Tokyo, le karaté a montré son plus beau visage. Il pourrait en faire de même en 2024 à Paris.
Les dernières semaines nous ont prouvé, s’il le fallait, que le karaté avait toute sa place dans la grande famille olympique. Une légitimité glanée auprès de tous grâce à ses valeurs, son image et ses résultats.
Nous vous demandons, M. Estanguet, de réviser votre jugement et de reconsidérer le sort du karaté pour les Jeux Olympiques 2024, comme ce fut le cas en 2000 pour le canoë-kayak, vous permettant ainsi de devenir champion olympique.
Comme la Ministre déléguée chargée des Sports Roxana Maracineanu l’a déclaré ce mercredi 12 août 2021 au Parisien, « L’intégration du karaté serait un beau trait d’union entre Tokyo 2021 et Paris 2024. »
Francis Didier, Président de la Fédération Française de Karaté